Depuis plusieurs semaines déjà, les équipes de Pop’ Média travaillent à la réalisation d’une fiction sonore, ayant pour sujet central, l’assistanat sexuel des personnes en situation de handicap.

Afin d’aller jusqu’au bout de notre démarche et d’ancrer la fiction dans le réel, nous avons échangé avec Isabel Da Costa, vice-présidente APF France handicap et coordonnatrice des étudiant·es du DIU PESH (personne experte de la situation de handicap) Université de Paris, Université de Saint-Etienne et Université de la Réunion.

L’assistanat sexuel, c’est quoi ?

Nous utilisons la dénomination d’assistance sexuelle.

Cette forme d’accompagnement n’est pas reconnue officiellement en France, mais il est possible de les former.  De fait, il n’existe pas, pour l’instant, une véritable définition parce que cela implique une transformation culturelle de la société Française.

L’assistance sexuelle peut être considérée comme l’élaboration d’une réponse personnelle au sein d’un service dédié, qui tient compte des facteurs propres à une situation spécifique. Elle relève d’une demande personnelle de la personne en situation de handicap et d’une attention à porter à leurs besoins physiques.

L’assistance sexuelle est une activité de personnes formées qui consiste à l’apprentissage sensoriel, au plaisir sensuel, érotique ou sexuel des personnes en situation de handicap qui en font la demande, dans le cas d’une impossibilité d’accès à leur corps. Cet accompagnement est assuré par des assistants ou des assistantes, quelle que soit l’orientation sexuelle. Cela peut aller : de simple caresse, au massage sensuel, de libérer la parole sur  l’intimité et le plaisir, de la découverte ou la redécouverte d’un corps identique ou différent, de l’utilisation de sextoys, de la masturbation, d’un rapport sexuel, d’aider un couple en situation de se positionner…

L’accompagnement sensuel et sexuel est déclinable selon les limites des souhaits et les consentements des acteurs pendant ce moment. Il s’agit d’une relation basée sur le principe de dignité et de respect réciproque. Cependant le titre d’« assistance sexuelle » peut définir de nombreuses réalités, parce qu’il n’existe pas une véritable connaissance de ce statut.

Quel est son statut en France et en Europe ?

Il n’existe pas de statut en France, néanmoins les personnes peuvent être formées à cette activité. Toutefois, en février 2020, Madame Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée du handicap, a ressaisi le CCNE : « au sujet du droit aux relations intimes, dont sont souvent privées les personnes handicapées ». « Force est de constater que certains de nos concitoyens, parce qu’ils sont en situation de handicap, en sont privés, pour certains à vie. Sans aucune solution adaptée, ils sont condamnés à vivre dans une abstinence non choisie ».

Le courrier adressé par le CCNE à Madame Cluzel ne donne pas un avis tranché. Toutefois, pendant l’université d’été 2021 du CNCPH, elle le charge de mettre en place des groupes de travail. Un copil a été créé et a mis en place des ateliers sur 3 grandes thèmes :

  • intimité en institution
  • formation aux gestes du corps
  • l’assistance sexuelle

En 2023, le CNCPH suite aux synthèses des ateliers,  a émis 13 propositions en lien dont plusieurs sur ce sujet.

En Europe, les Pays-Bas sont le premier pays à permettre l’accompagnement sexuel des personnes handicapées, dans les années 1990. Dans la foulée, d’autres pays l’ont autorisé sous des formes différentes, à l’image du Danemark, de l’Allemagne, de l’Autriche, certains cantons Suisses et, depuis peu, la Belgique.

Par exemple, en ce qui concerne la législation Allemande, il existe depuis 1995 un service de contact corporel (SENSIS), cependant, l’acte sexuel n’est permis que dans certaines régions. Si, à Berlin, cette activité ne rencontre pas de problème, dans le sud, les assistant·es sexuels ont plus de difficultés. Une formation est dispensée pour ces accompagnements. Il y a également des stages réunissant des assistant·es sexuels, des formateur·trices, des thérapeutes et des personnes handicapées. Les assistant·es sexuels exercent de manière indépendante et sont rémunéré·es.

Pourquoi est-il important de mettre en lumière ce sujet tabou ?

Je pense qu’il faut seulement mettre les projecteurs sur ce sujet parce que la sexualité est, malheureusement, souvent abordée par le prisme des violences sexuelles, qui est un autre réel tabou dans la sphère du handicap. Ce qui est nécessaire ce n’est pas ce qui doit être « mis en lumière », mais ce qui devrait être fait pour améliorer la santé et l’éducation sexuelle à tous les âges de la vie, pour l’ensemble des personnes.

En France, il y a un déficit d’éducation à la sexualité des jeunes et des adultes en situation de handicap et un accès limité à des informations fiables. De même, les professionnel·les qui accompagnent les personnes en situation de handicap ne sont pas suffisamment formé·es pour développer des solutions qui correspondent à leurs besoins.

De plus, les personnes sont confrontées à une faible accessibilité des lieux de prévention, de soins, d’éducation à la sexualité ou à des lieux de socialisation qui ont un impact sur la santé sexuelle, mis aussi sur leur possibilité de faire des rencontres.

Ce manque d’accessibilité à certains services de soins médicaux ont pour conséquence un suivi insuffisant, comme par exemple pour les consultations gynécologiques pour les femmes en situation de handicap. Ce qui entraîne des retards de dépistage de certaines pathologies ou un manque d’informations pour une bonne prévention des risques (violences sexuelles, IST…).

Cela montre aussi des incohérences, voire des contradictions, dans les conduites socio-éducatives et médicales, comme en matière de contraception, exemple : prescription systématique de pilules ou d’implants contraceptifs chez des femmes en situation handicap dans des établissements d’hébergement où tous les rapports sexuels sont interdits.

Cela montre aussi, des incohérences, voire des contradictions dans les conduites socio-éducatives et médicales, comme en matière de contraception, exemple : prescription systématique de pilules ou d’implants contraceptifs chez des femmes en situation handicap dans des établissements d’hébergement où tous les rapports sexuels sont interdits.

En quoi un podcast, une fiction sonore, peut aider à valoriser ce sujet ?

Toutes les formes de sensibilisation lèvent un voile sur les stigmatisations sociétales.

Cependant, l’oralité peut changer le rapport au corps, elle amène une perception différente de son environnement pour permettre de se projeter sans préjuger. Chaque personne peut alors transformer les images sonores selon son imagination.

Il n’y a plus l’influence des normes sociales, mais une interprétation selon son contexte, son histoire, son physique, ses émotions, sa compréhension, etc. Écouter un podcast permet de découvrir d’autres manières de voir le monde.

Financer le projet

Afin de financer ce projet de Pop’ Média lance une campagne de crowdfunding.

L’objectif est de réunir la somme 10 000 euros, du 1er juin au 1er juillet.

Toute l’équipe Pop’ Média et ses partenaires ont a cœur de voir naître cette fiction sonore de 7 épisodes, et de mettre en lumière le sujet de l’assistanat sexuel pour les personnes en situation de handicap.

> En savoir plus sur la fiction sonore