On en parle de plus en plus. Les plateaux télé (certains) s’en emparent, les institutions la citent, les ministères la célèbrent. L’éducation aux médias et à l’information semble être devenue la nouvelle évidence de notre époque. Et pourtant : jamais les acteurs de terrain n’ont eu si peu de moyens pour la faire vivre.

L’ère de la désinformation

Nous vivons un moment où la frontière entre le vrai et le faux se brouille à vitesse grand V. Les réseaux sociaux, les vidéos truquées, les algorithmes qui sélectionnent nos opinions comme on trie des playlists : tout concourt à enfermer les citoyen·nes dans des bulles d’émotion et de certitudes. La désinformation n’est plus une simple affaire de « fake news » : c’est une crise de confiance qui sape le lien social et fragilise la démocratie.

Quand les faits deviennent relatifs, que les discours radicaux se répandent plus vite qu’un démenti, que les jeunes se forgent leur rapport au monde à travers des flux d’informations non contextualisées, l’éducation aux médias n’est plus un supplément d’âme : c’est une urgence démocratique.

Une politique culturelle sous tension

Mais les actes ne suivent pas les discours. Prenons le cas du Pass Culture, outil précieux qui permettait à des classes entières de financer des projets d’éducation artistique et culturelle, et d’éducation aux médias. En 2025, sa part collective a été amputée d’environ 25 millions d’euros, passant de 97 à 72 millions. Dans de nombreux établissements, les budgets restants équivalent à à peine 2 euros par élève. Résultat : des ateliers médias, des projets de création sonore, des résidences de journalistes, tout simplement annulés.

Le même constat se retrouve au niveau national : les crédits dédiés à l’éducation artistique et culturelle reculent dans la loi de finances 2025, tout comme les soutiens publics aux associations de terrain. La contradiction est flagrante : on parle d’émancipation citoyenne à longueur de discours, tout en fragilisant ceux qui la font vivre.

Le risque : une société désinformée à deux vitesses

Quand les moyens manquent, les inégalités s’accentuent. D’un côté, des jeunes accompagnés, capables de décoder, de vérifier, de contextualiser. De l’autre, ceux qui subissent les images et les rumeurs sans outils pour les comprendre. Cette fracture silencieuse produit de la défiance, du complotisme, du repli identitaire.

L’éducation aux médias n’est pas seulement une affaire de pédagogie : c’est une école du discernement et du dialogue, un apprentissage collectif de la complexité. Apprendre à parler dans un micro, à construire un récit, à écouter l’autre, ce n’est pas une activité accessoire : c’est une manière d’apprendre à penser ensemble pour mieux vivre ensemble.

Chez Pop’ Média, nous en faisons l’expérience chaque jour

Dans nos ateliers avec des élèves, des jeunes de l’École de la 2e chance, des habitant·es de quartiers populaires, le podcast devient un outil d’expression et de décodage.
Les participant·es à ces projets découvrent que l’information n’est pas qu’un flux : c’est un travail collectif, un regard, une responsabilité.
Et, souvent, ils repartent avec une idée neuve : qu’eux aussi ont une parole qui compte.

Au-delà de la maîtrise de l’information, l’EMI joue un rôle concret dans la remobilisation scolaire et professionnelle : reprendre confiance, s’exprimer à nouveau, retrouver du sens à l’apprentissage.
Elle ouvre aussi des espaces d’échange sur des enjeux de société essentiels : l’égalité femmes-hommes, la lutte contre les discriminations, la citoyenneté numérique, la découverte culturelle et la compréhension du monde contemporain.
Autant de leviers qui font de l’éducation aux médias un vecteur d’émancipation personnelle autant que collective.

Ce que nous défendons

Face à la désinformation, nous plaidons pour une éducation aux médias durable, financée et reconnue comme un pilier de la citoyenneté. Nous continuerons à inventer, à mutualiser, à aller là où les discours ne suffisent plus. Mais il est temps que les politiques publiques, les collectivités et les mécènes culturels prennent la mesure du défi : il ne s’agit pas d’animer des ateliers, mais de préserver la capacité collective à comprendre le monde.

Prévenir plutôt que réparer

Nous remercions sincèrement nos partenaires – établissements scolaires, associations, institutions, fondations et collectivités – qui, par leur soutien, rendent nos actions possibles. Mais il faut le dire clairement : cela ne suffit plus. Les sollicitations augmentent, les besoins explosent, et nous devons parfois refuser des projets pourtant essentiels, faute de moyens.

Or, investir dans l’éducation aux médias, c’est prévenir plutôt que réparer. C’est agir en amont, avant que la désinformation ne devienne haine, avant que la défiance ne se transforme en violence. À chaque fois qu’un jeune apprend à douter, à vérifier, à débattre, il devient un rempart contre la manipulation et l’extrémisme.

Parce qu’éduquer aux médias, c’est aussi désamorcer les fractures invisibles avant qu’elles ne se transforment en plaies ouvertes.

Agir ensemble pour l’éducation aux médias !

Chez Pop’ Média, nous continuerons à le faire, micro en main, avec conviction et vigilance — mais nous avons besoin d’un élan collectif. C’est pourquoi nous appelons à soutenir notre campagne de financement participatif et à engager, avec l’ensemble des acteurs de l’éducation aux médias, une mobilisation générale pour faire entendre nos voix !