Anaëlle Régent est bénévole chez Pop’ Média et à l’origine de la série Bonsaï, un podcast qui aborde un sujet encore trop peu exploré : les douleurs chroniques. Depuis quelques années, elle est également patiente partenaire. C’est à dire qu’elle met son expérience et ses compétences humaines au service d’autres patients et des professionnel·les de santé. Dans ce cadre, elle cofonde l’association Les Algonautes, qui œuvre à l’amélioration de la qualité de vie des personnes concernées par ces douleurs.

Dans cette interview, découvrez les origines et les coulisses du podcast Bonsaï, ainsi que les ambitions du projet, à court et à long terme.

Anaëlle, peux-tu te présenter ?

Architecte de formation, j’ai mis cette activité de côté depuis bientôt deux ans pour explorer d’autres aventures professionnelles. Je me suis notamment formée pour devenir patiente partenaire dans la douleur chronique. Cela me permet de mettre mon expérience de patiente au service des autres, en les accompagnant dans leur quotidien avec la douleur.

Dans ce cadre, j’ai cofondé l’association Les Algolnautes, qui propose des ateliers collectifs pour aider les personnes concernées à trouver des clés pour améliorer leur qualité de vie. J’interviens aussi dans la formation de futurs professionnels de santé pour les sensibiliser au vécu des patients.

Et enfin, en décembre 2024, j’ai lancé le podcast Bonsaï, pour faire entendre la voix de celles et ceux qui vivent avec des douleurs chroniques.

Quelle est ta définition de patient·e partenaire ?

Le ou la patient·e partenaire est une personne vivant avec une maladie chronique ou un handicap, qui a appris, au fil du temps, à apprivoiser sa condition et à composer avec elle au quotidien. Forte de cette expérience vécue, il ou elle a développé une connaissance fine de sa pathologie, mais aussi des compétences humaines précieuses, comme l’écoute, l’empathie et la capacité à créer du lien.

En tant que patiente partenaire, je ne suis pas seulement témoin de la maladie : je suis devenue une actrice du parcours de soins, à la fois pour moi-même et pour les autres. Mon rôle est d’être une personne ressource, capable d’accompagner, de soutenir et parfois de rassurer d’autres patient·es. Grâce à ma compréhension du système de santé, je peux aussi contribuer à améliorer le dialogue entre les professionnel·es de santé et les personnes malades, en apportant un regard complémentaire, ancré dans le vécu.

Pourquoi avoir choisi le podcast comme moyen d’expression ? Qu’aimes-tu dans ce format ?

Je suis moi-même une grande auditrice de podcasts. Ce format m’attire depuis longtemps car il est nomade : on peut l’écouter à tout moment de la journée.

C’est aussi un média intime, propice à la confidence. Les personnes que j’interviewe ont parfois un rapport complexe à leur corps, et le podcast me permet de recueillir leurs témoignages dans un cadre respectueux et confortable. Je peux même proposer l’anonymat si nécessaire.

Comment l’idée de Bonsaï a-t-elle émergée et quelle est la symbolique de ce titre pour toi ?

L’idée de Bonsaï m’est venue alors que j’étais clouée sur mon canapé, submergée par la douleur. Je vis avec des douleurs chroniques depuis un accident survenu il y a 15 ans. En 2022, alors que je traverse une nouvelle période difficile, j’éprouve un grand sentiment de solitude. Paradoxalement, je l’ai appris que plus tard, nous sommes plus de 12 millions de personnes en France à souffrir de douleurs chroniques. Je me suis alors demandé ce que je pouvais faire pour rompre cet isolement.

À force de rencontres, j’ai découvert des parcours de vie incroyables qui méritaient d’être partagés. Ces histoires, souvent bouleversantes et universelles, peuvent toucher tout le monde, que l’on soit concerné ou non.
J’ai donc nommé le podcast Bonsaï, en écho à ces trajectoires tortueuses, parfois contrariées, mais toujours uniques et magnifiques. Et, petite touche humoristique : dans Bonsaï, il y a « aïe« … haha !

Quel est ton processus de création : comment procèdes-tu pour choisir tes thèmes et tes invité·es ?

La plupart de mes invité·es, je les rencontre dans mon quotidien, par de joyeux hasards. Je les choisis car leur parcours me touche, m’impressionne ou me questionne. Aujourd’hui il m’arrive que l’on me conseille certains profils ou que des personnes souhaitent témoigner. Mes seuls critères de sélection, c’est que leur histoire et leur personnalité m’interpellent.

Une fois qu’une personne accepte de participer, je lui envoie un questionnaire pour me familiariser avec son vécu. Le jour de l’enregistrement, on se retrouve dans un lieu où elle se sent à l’aise, et je lui pose toutes mes questions. Ensuite, je m’occupe du montage, puis j’envoie l’enregistrement à Pop Média pour que la magie du mixage opère.

Un témoignage t’a-t-il particulièrement touchée et pourquoi ?

Ils ont tous une résonance particulière pour moi.
Cependant, j’ai été profondément émue par le témoignage de l’épisode 4. Sarah m’a fait confiance pour aborder des sujets graves, mais essentiels. Son parcours est marqué par la souffrance : familiale, physique, et par un parcours médical parfois violent.

Ce fut un épisode difficile à monter car très chargé en émotion, mais j’espère avoir réussi à transmettre l’intensité de son récit et à lui rendre hommage avec justesse et authenticité.

Quel message aimerais-tu que les auditeur·trices retiennent après avoir écouté un épisode ?

Je souhaite montrer que les personnes qui sont concerné·es par la douleur, ne sont pas seul·es.
Que chaque parcours est unique, chaque personne réagit différemment aux épreuves de la vie, et qu’il n’y a pas une seule bonne façon de faire face.

J’aimerais aussi que le podcast contribue à faire reconnaître la douleur comme un handicap invisible. Peu importe l’âge, le genre, l’apparence : quand elle est là, la douleur impacte tous les aspects de la vie, même si personne ne la voit.

Comment la réalisation de ce podcast t’a impacté personnellement ?

Ce podcast me fait rencontrer des personnes passionnantes et m’incite à développer de nouvelles compétences. Mais surtout, il m’a permis de me découvrir dans un rôle de transmission et d’accompagnement qui me correspond profondément.

Il me donne de l’énergie et l’envie de continuer à développer des projets autour de la douleur chronique.

Quels sont tes projets à venir avec Bonsaï ou autour des douleurs chroniques ?

À court terme : le jeudi 22 mai prochain, nous organisons une rencontre/séance d’écoute avec Pop Média et Les Algonautes. Ce sera une soirée spéciale sur la fibromyalgie, dans le cadre de la journée mondiale qui lui est consacrée. C’est l’occasion de mettre en lumière cette pathologie mal connue ou reconnue. Je serai entourée de 5 expert·es du sujet, prêt·es à répondre à toutes les questions.

À long terme : je souhaite poursuivre sur cette lancée, interviewer encore plein de personnes formidables. Je commence aussi à réfléchir à un « tour de France » à vélo pour me challenger tout en allant à la rencontre de celles et ceux qui œuvrent chaque jour pour aider les autres. Donc… restez à l’écoute : j’ai encore plein d’idées belles (et un peu folles) à réaliser !